(PARU LE 14 DÉC. 2019 MEDIAPART)
La psychanalyse n’est pas une science. Pourtant les psychanalystes diffusent à l’université une lecture fondamentaliste de Freud et Lacan, au détriment des usagers de la psychiatrie, des personnes handicapées et des victimes de violences sexuelles, une population fragile en situation de faiblesse. Les pouvoirs publics doivent se saisir de ce débat. C’est un enjeu majeur de santé publique.
Le 22 octobre, le Nouvel Obs a publié à mon initiative une tribune intitulée « la psychanalyse ou l’exercice illégal de la médecine » signée par 60 psychologues et psychiatres. Cette tribune explique pourquoi la psychanalyse est incompatible avec l’enseignement de la psychologie, de la psychiatrie et l’expertise auprès des tribunaux. Deux mois plus tard, ils sont plus de 1000 signataires, exclusivement des professionnels de santé. Liste complète des signataires professionnels de sante : www.justicesanspsychanalyse.com
Les psychanalystes ont réagi à cette tribune par des menaces, et des cris d’orfraie, vis-à-vis de ce qu’ils considèrent comme un crime de lèse-majesté. Un positionnement classique, entre victimisation et argument d’autorité, pour maintenir leur posture coûte que coûte sans jamais répondre aux critiques ni rendre de compte de leur activité auprès des pouvoirs publics, malgré les dysfonctionnements gravissimes induits par leur présence sur le terrain et les témoignages de souffrance des usagers.
Les psychanalystes ont ouvert sur Change.org une contre tribune « La psychanalyse est une science à part entière » ouverte au tout venant, et se vantent qu’elle ait réuni 32000 signataires. Ses auteurs, qui ratissent large dans les facs de droit, de lettre, et de théologie, présentent ce chiffre comme une victoire, alors que la psychanalyse est au programme du bac, que le service public de la radio et la télévision et une grande partie de la presse lui fait de la publicité tous les jours depuis des décennies sans aucun regard critique. A tel point qu’une grande partie du public est encore incapable de se représenter ce que sont la psychologie et la psychiatrie en dehors du référentiel psychanalytique.
Pourtant sur les 32000 signataires de la contre tribune des psychanalystes, les commentaires attestent qu’un grand nombre sont des étrangers en provenance d’Amérique latine. Leur présence dans une liste qui prétend en remonter aux parlementaires français représente un mensonge et une ingérence.
Par ailleurs, sachant que les séances de psychanalyse se payent obligatoirement en espèces on espère pour eux que les 15 000 et quelques psychanalystes français répertoriés dans cette liste qui sera remise aux autorités sont à jour vis-à-vis du fisc. Dans le cas contraire, la contre tribune offrira un moyen de comparaison fort utile aux services fiscaux.
Sur le fond, pour justifier de ne pas avoir à rendre de comptes sur leur pratique ses partisans clament ici et là que la psychanalyse a évolué, mais aucun livre, aucun article, ou conférence ne vient en apporter la preuve. Bien au contraire les témoignages de ce que les formateurs et essayistes de la psychanalyse persistent à enseigner une lecture fondamentaliste de l’enseignement de Freud et Lacan sont accablantes.
Dans n’importe quelle discipline, quel que soit leur talent, les chercheurs sont considérés comme des êtres humains, non comme des prophètes. Ils sont donc faillibles, et soumis à l’empreinte de leur époque. Il appartient aux générations suivantes de mettre à l’épreuve leurs théories, et déterminer collectivement ce qui peut être conservé, ce qui doit être adapté et ce qu’il faut abandonner de leur héritage. C’est ainsi que se construit la connaissance scientifique : sur le doute et la mise à l’épreuve permanente du savoir.
A moins de revendiquer officiellement le statut de pseudo médecine, la psychanalyse doit obéir à ces mêmes règles. Elle est pratiquée dans le domaine du soin, où la rigueur est d’autant plus indispensable qu’il s’agit de prendre en charge des personnes en demande de soin et en situation de faiblesse.
Il ne suffit pas de se déclarer « éclairé » pour l’être. Il est nécessaire de le prouver en assumant ouvertement cette parole et en l’étayant. Si la psychanalyse avait évolué, parmi les 32000 signataires de la contre tribune, il devrait se trouver un nombre significatif de psychanalystes français capables de reconnaitre publiquement que la théorie œdipienne est fausse ; dire qu’il est insensé de prétendre que les enfants éprouveraient des désirs sexuels incestueux pour les adultes, et condamner cette inversion des rôles qui bénéficie aux pédo criminels. Il devrait se trouver un nombre significatif de psychanalystes capables de condamner les paroles odieuses de la psychanalyste freudienne Jacqueline Schaeffer pour qui « l’inceste paternel ne fait pas tellement de dégâts, ça rend juste les filles un peu débiles ».
Depuis que j’ai réalisé les film le MUR, la psychanalyse à l’épreuve de l’autisme, et LE PHALLUS ET LE NEANT, pas un seul psychanalyste n’a remis en question le moindre aspect de la théorie freudo lacanienne. Bien au contraire, les propos tenus par les psychanalystes interviewés ont été légitimés à plusieurs reprises en public par des psychanalystes et des psychologues formés à la psychanalyse lors des séances débat de mon film LE PHALLUS ET LE NEANT, en 2019.
Le 22 novembre 2019 s’est tenu à l’Assemblée Nationale un colloque intitulé « Ce que les psychanalystes apportent à la société ». On attend toujours le colloque « Faire le ménage dans la théorie freudo-lacanienne de la sexualité ».
Aujourd’hui même, le 14 décembre 2019 s’est tenu un colloque de psychanalyse « Un enfant est battu cent ans après ». Ses organisateurs défendent la théorie selon laquelle les enfants battus auraient le fantasme d’être violenté par leurs parents, et d’affirmer que leur rôle de psychanalystes serait de maintenir vivant ce fantasme… !
Aux psychanalystes qui se proclament éclairés, êtes-vous capable de soutenir publiquement que le Primat du Phallus dans l’Inconscient est une théorie délirante, dire que les femmes ne sont pas déterminées sexuellement par l’envie du pénis, donc de le détruire, mais sont bien sujettes à part entière de la sexualité ?
Pour la majorité des psychanalystes l’homosexualité reste une psychose blanche, non déclenchée. De nombreux psychanalystes sont convaincus que l’homoparentalité engendrera des psychoses chez les enfants, fut ce à trois générations. Certes les religieux tiennent les mêmes discours mais ils n’occupent pas la position sociale de soignants supposés fonder leurs affirmations sur une position médicale et scientifique.
J’observe que parmi les grandes associations de psychanalystes aucune n’a formé officiellement de psychanalyste homosexuel (?) et qu’aucun psychanalyste homosexuel n’a écrit de livre qui remette en question les fondements hétérocentrés de la théorie sexuelle, laquelle fait des homosexuels des malades en puissance, du seul fait de leur orientation sexuelle. Nous sommes à l’aube de 2020.
Le grand apport lacanien à la psychanalyse a été la forclusion du nom du père, théorie qui rend les femmes responsables de toutes les psychoses en vertu du postulat selon lequel il n’existerait pas de sexe féminin dans l’inconscient. De nombreux écrits, interviews, cours de psychanalyse attestent que cette théorie de la mère psychogène, adoptée de longue date par les cercles freudiens, est aujourd’hui encore très largement enseignée, dans une perspective fondamentaliste, avec des conséquences effroyables : la destruction de familles et les placements abusifs d’enfants handicapés.
Au nom de cette théorie, des enfants qui ont dénoncé des violences sexuelles commises par leur père sont retirés à leur mère protectrice pour être confiés à la garde exclusive de leur géniteur.
Françoise Dolto, Sigmund Freud, Bruno Bettelheim, Jacques Lacan, et bien d’autres théoriciens de la psychanalyse ont eu des propos discriminants d’une violence insoutenable à l’égard des femmes et des victimes de violences sexuelles. Des analysantes m’ont témoigné de l’extrême difficulté de parler sur le divan des viols-incestes qu’elles avaient subi, malgré dix ans, vingt ans de cure analytique. D’autres victimes ont été moquées par leur analyste, leur traumatisme nié, au motif que la vraie vérité se situerai toujours à l’insu de sa conscience. D’autres ont perdu pieds…
Bien plus que les menaces qui pèsent sur l’enseignement de la psychanalyse à l’université ce qui devrait interpeller les psychanalystes c’est que la théorie freudo-lacanienne de la sexualité soit utilisée par des pédo criminels pour se déresponsabiliser de leurs crimes sexuels… Voire pour les commettre en toute impunité.
Pendant que des victimes de violences sexuelles sont sur victimisées et leur souffrance niée au nom des dogmes oedipiens et des supposés fantasmes sexuels infantiles, dont les psychanalystes persistent envers et contre tout à inférer des vertus positives chez les femmes, d’autres psychanalystes (parfois les mêmes) s’acharnent à fabriquer de toutes pièces de faux souvenirs de violences sexuelles chez des patientes qui n’ont à cet égard aucune plainte, en vertu du principe selon lequel la vérité de l’inconscient se situerait toujours à l’envers de la réalité.
Certes il y a des pervers dans toutes les professions. Mais le sujet ici c’est la psychanalyse et le fait que son corpus théorique et la pratique de la psychanalyse auprès de personnes fragiles, en particulier d’enfants, dans des lieux de soin, favorise cette emprise.
Aux psychanalystes qui se revendiquent comme éclairés, la question est : êtes-vous capable d’identifier le comportement toxique d’un psychanalyste ? Par exemple un collègue qui couche avec une patiente, ou une étudiante en échange d’un stage, ou qui manifeste un comportement pédo criminel envers des enfants ? Allez-vous vous taire, et le protéger par votre silence, parce qu’il est psychanalyste ? Ou bien serez-vous capable de parler ?
Lorsqu’un psychanalyste reçoit un patient il se trouve avec lui ou elle dans une situation de contrat non écrit. L’analysant suppose que la cure analytique va lui permettre d’aller mieux, et que sur le divan il va pouvoir tout dire, et être entendu. Le problème est que pour les psychanalystes purs et durs la guérison « réparation » est un but impossible à atteindre, pour lequel ils n’ont d’ailleurs que mépris. Les paroles et le ressenti de l’analysant ne les intéressent pas plus. Seul compte la vérité de l’inconscient de l’analysant supposé insu, et opposé à sa conscience. Cela donne des cures où l’analyste va casser consciencieusement un à un tous les repères de l’analysant-e, au point de l’assujettir, et lui faire perdre la raison parfois (ce phénomène de décompensation psychotique créée par le divan a été admis devant ma caméra). Contrairement au cadre psychothérapique classique qui lui peut être bénéfique, les cures analytiques « pures et dures » ne respectent ni la parole de l’analysant ni son intégrité. Au mieux elles en feront un adepte, au pire elles pourront le détruire.
Quelques psychanalystes ont d’ores et déjà admis publiquement que la psychanalyse n’était pas une science. Il va falloir en tirer toutes les conséquences et se retirer des lieux de soin et d’enseignement de la psychologie et de la psychiatrie ou la psychanalyse n’a rien à faire.
Je ne suis ni psychiatre ni psychologue. Je n’ai aucune thérapie à vendre, aucun poste à gagner, aucune clientèle à conquérir dans la démarche. En revanche j’observe depuis plus de 10 ans les ravages des dérives sectaires des psychanalystes, recevant des appels au secours quasi quotidiens d’usagers brisés par ces pratiques sectaires.
Sophie ROBERT